L’annulation d’une rupture conventionnelle en raison d’une réticence dolosive du salarié viciant le consentement de l’employeur - chambre sociale de la Cour de cassation, 19 juin 2024, n°23-10.817 :

L’annulation d’une rupture conventionnelle en raison d’une réticence dolosive du salarié viciant le consentement de l’employeur - chambre sociale de la Cour de cassation, 19 juin 2024, n°23-10.817 :

Un salarié ayant été engagé par une société en qualité de technicien commercial souhaite mettre un terme à son contrat de travail. Dans le but d’une reconversion professionnelle, il propose donc une rupture conventionnelle à son employeur. De ce fait, le 20 novembre 2018, les deux parties ont signé une convention de rupture prenant effet le 31 décembre 2018.

 Cependant, la validité de la convention de rupture a été remise en question : le consentement de l’employeur pourrait s’avérer être vicié en raison d’un dol de la part du salarié.

 Justement, dans son arrêt du 18 novembre 2022, la Cour d’appel de Toulouse a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle en raison de manœuvres dolosives imputables au salarié, ces manœuvres ayant in fine vicié la rupture conventionnelle d’où sa nullité. De ce fait, elle a condamné le salarié au paiement de diverses sommes au titre de l’indemnité spécifique perçue à tort et de l’indemnité compensatrice de préavis.

 Le salarié a formé un pourvoi en cassation, contestant donc la position de la cour d’appel.

 Avant tout, qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ? Il s’agit d’un mode de rupture spécifique du contrat de travail, permettant tant à l’employeur qu’au salarié de rompre d’un commun accord un contrat de travail à durée indéterminée. Cette convention de rupture fixe le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement. Également, le salarié bénéficie d’une indemnité compensatrice de préavis.

 Reposant sur une volonté commune du salarié et de l’employeur, elle nécessite donc le consentement des parties, aucun ne pouvant imposer ce mode de rupture à l’autre. Il ne peut y avoir d’engagement valable que si, à l’instant où les parties s’engagent, elles se trouvent libres de toute contrainte. En effet, le consentement doit être libre et éclairé.

 Rappelons-le, l’article 1130 du code civil dispose « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes (…) ». Plus spécifiquement, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie (article 1137 du code civil). 

Quelles sont les conséquences de l’annulation d’une rupture conventionnelle en raison d’un vice du consentement de l’employeur à la suite d’une réticence dolosive de la part du salarié ?

I/ La reconnaissance d’une réticence dolosive de la part du salarié viciant le consentement de l’employeur

 Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle en raison de manœuvres dolosives de sa part. D’une part, en retenant que le salarié avait commis une réticence dolosive du fait du défaut d’information volontaire sur son projet d’entreprise dans le même secteur d’activité, la cour d’appel aurait violé l’article 1137 du code civil car aucune réticence dolosive ne peut être imputée à une partie sur laquelle ne pèse aucune obligation d’informer son cocontractant. D’autre part, en retenant ladite réticence dolosive, la cour d’appel aurait également porté une atteinte disproportionnée au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle notamment car le salarié n’était soumis à aucune clause de non-concurrence.

 Dans son arrêt du 19 juin 2024, la Cour de cassation rappelle, tout d’abord, que le dol correspond à une dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie (article 1137 du code civil). En l’espèce, l’employeur a consenti à la rupture conventionnelle en se fondant seulement sur le souhait de reconversion professionnelle du salarié. Il n’avait aucunement connaissance du projet du salarié consistant en une entreprise initiée dans le même secteur d’activité et en association avec un autre ancien salarié.

La Cour de cassation confirme donc la position de la cour d’appel. D’une part, le salarié aurait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin d’obtenir son consentement à la rupture conventionnelle. Il a donc commis une réticence dolosive. D’autre part et de ce fait, malgré l’absence d’obligation d’information contractuelle de la part du salarié, la juridiction estime que le consentement de l’employeur a été vicié.

II/ Les effets de l’annulation d’une rupture conventionnelle

Également, le demandeur au pourvoi conteste la position de l’arrêt d’appel concernant les conséquences de l’annulation de cette rupture conventionnelle. En effet, la cour d’appel a estimé que la rupture conventionnelle annulée doit produire les effets d’une démission. De ce fait, l’ancien salarié a été condamné à payer une somme au titre de l’indemnité compensatrice de préavis. Or, toute démission devant résulter d’une manifestation de volonté claire et non-équivoque, le demandeur au pourvoi estime que la cour d’appel a violé les articles L.1231-1 et L.1237-1 du code du travail car n’était pas caractérisée la volonté claire et non-équivoque du salarié de mettre fin à son contrat même en l’absence de rupture conventionnelle.

Dans son arrêt du 19 juin 2024, la Cour de cassation affirme le principe selon lequel la rupture d’un contrat de travail doit produire les effets d’une démission quand ledit contrat a été rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée en raison d’un vice de consentement. Quelles en sont les conséquences ? De ce fait, la juridiction suprême confirme que la dissimulation intentionnelle du salarié, concernant son projet d’entreprise avec un autre salarié en l’espèce, caractérise un dol. De ce fait, la convention de rupture est nulle et produit donc les effets d’une démission. Elle rejette donc le pourvoi formé par l’ancien salarié et confirme la solution rendue par la cour d’appel, exigeant notamment le paiement par le salarié d’une somme au titre des indemnités perçues à l’issue de la rupture conventionnelle initialement conclue par les deux parties.



Camille CASANOVA

Titulaire d’un Master II Justice, Procès et Procédures à l’université de Montpellier, 

Rédactrice-stagiaire - faits divers/justice chez InfOccitanie  

 

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