Les écritures en procédure d’appel : Cour de cassation, troisième chambre civile, 9 janvier 2025, n°22-13.911 (commentaire)

Les écritures en procédure d’appel : Cour de cassation, troisième chambre civile, 9 janvier 2025, n°22-13.911 (commentaire)

Tout étudiant ou professionnel du droit sait que la rigueur est le maître mot des professions juridiques. C’est ce qu’a rappelé la troisième chambre civile de la cour de cassation dans son arrêt du 9 janvier 2025.

Cet arrêt illustre l’application des règles strictes concernant la présentation des moyens de droit en appel et le principe du contradictoire.

I) Résumé de l’arrêt du 9 janvier 2025 n° 22-13.911

A) Rappel des faits et de la procédure

Une société civile immobilière (ci-après “SCI”), copropriétaire au sein d’une résidence, a assigné un syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice aux fins d’annulation d’une assemblée générale.

La Cour d’appel a rejeté la demande d’annulation de l’assemblée générale de la société requérante au motif qu’elle n’avait pas rempli les exigences procédurales rigoureuses imposées par l’article 954 du code de procédure civile.

La SCI forme ainsi un pourvoi en cassation en invoquant la violation du principe du contradictoire.

B) Problématiques

La cour de cassation à eu à répondre à deux questions juridiques :

  • La cour d’appel peut-elle limiter son examen aux seuls moyens développés dans la discussion des conclusions et écarter ceux mentionnés uniquement dans le dispositif ?

  • La cour d’appel a-t-elle violé le principe du contradictoire en appliquant l’article 954 du CPC sans inviter les parties à la discussion ?

C) Solution rendue par la Cour de cassation

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la SCI. 

“Dès lors, en n'examinant que les moyens invoqués dans la partie discussion à l'appui des prétentions énoncées au dispositif, la cour d'appel, qui ne fonde pas sa décision sur un moyen de droit qu'elle aurait soulevé d'office, n'a pas à solliciter les observations préalables des parties”.

En effet, la cour d’appel a correctement appliqué les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile en n’examinant que les moyens développés dans la discussion des conclusions et qu’il n’y a eu aucune violation du principe du contradictoire puisque la décision de la cour d’appel ne reposait pas sur un moyen relevé d’office.

II)  La mise en lumière de principes ancrés

Cet arrêt du 9 janvier 2025 n’est pas un revirement jurisprudentiel, bien au contraire, il conforte la position constante des juges quant à l’application rigoureuse des règles de la procédure civile.

A) La structuration des écritures en procédure d'appel

Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile

“La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion”.

La cour de cassation, le 9 janvier 2025 a considéré que :

“Cette disposition, qui consacre un principe de structuration des écritures des parties et tend à un objectif de bonne administration de la justice, délimite l'étendue des prétentions sur lesquelles la cour d'appel est tenue de statuer et les moyens qu'elle doit prendre en considération”.

Cette exigence procédurale a pour objectif d’assurer une bonne administration de la justice. En effet, cette règle stricte permet d’uniformiser les écritures et de permettre au juge une lisibilité claire et par conséquent un gain de temps.

Cette technique de recensement des prétentions permet également de faire respecter le principe de l’effet dévolutif de l’appel consacré par les articles 561 et suivants du code de procédure civile.

Ce n’est pas une position nouvelle, la cour de cassation a déjà pu préciser la nécessité de la structuration des écritures :

“Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de ces prétentions, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer une clarté et une lisibilité des écritures des parties .

(Cour de cassation, 2è chambre civile, 8 septembre 2022, n°21-12.736).

Dans l’affaire du 9 janvier 2025, la cour d’appel a limité son examen aux moyens correctement présentés dans les conclusions de la société requérante. Les griefs mentionnés uniquement dans le dispositif sans développement dans la discussion ont été écartés, conformément au code de procédure civile.

Cette décision rappelle l'importance d'une rédaction rigoureuse des conclusions, sous peine de voir certains moyens purement et simplement ignorés.

Cet arrêt rendu par la Cour de cassation est en alignement avec les réformes des décrets Magendie et le décret n°2023-1391 de simplification. En effet, malgré l’introduction de délais impératifs sanctionnés par la caducité de la déclaration d’appel, les réformes engagées par les décrets dits « Magendie » ont permis de renforcer ces exigences afin de fluidifier le traitement des dossiers en appel et de réduire le risque d’irrégularités procédurales.

L’article 954 du code de procédure civile invoque également une particularité rigoureuse lorsque l’une des parties conclut à l’infirmation du jugement

“doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance”.

Encore une fois il s’agit d’une exigence stricte afin que le juge puisse bien distinguer la finalité de l’appel et assurer ainsi une sécurité juridique.

B) Le rôle protecteur du Conseiller de la mise en état

Le conseiller de la mise en état joue un rôle essentiel quant à la vérification du respect des règles rigoureuses de la procédure d’appel.

En effet, l’alinéa 1 de l’article 913 du code de procédure civile rappel que : 

“Le conseiller de la mise en état a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l'échange des conclusions et de la communication des pièces”.

Il peut notamment prononcer la caducité de l’appel en cas de non-respect des délais de trois mois pour conclure.

En outre, le Conseiller de la mise en état peut demander aux avocats de conformer leurs conclusions avec les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

Ainsi le Conseiller de la mise en état permet également de veiller sur le respect du principe du contradictoire.

C) Le principe du contradictoire

C’est l’article 16 du code de procédure civile qui fonde le principe du contradictoire : 

“Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Ce principe fondamental permet de protéger les droits de la défense de chaque partie à un litige.

Ici, la SCI soutenait que la cour d’appel avait relevé d’office un moyen tiré de la structuration des conclusions sans solliciter ses observations. Or, la cour d’appel à simplement respecté une règle procédurale. Il n’y a donc aucune violation du principe du contradictoire.

De même, le bordereau récapitulatif des pièces exigé par le code de procédure civile garantit outre la lisibilité des prétentions, le respect du principe du contradictoire.

III)  La portée de la décision

Cet arrêt met en évidence l’importance de se conformer aux règles procédurales et notamment celles de la procédure d’appel.

En effet, il est rappelé que conformément à l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions comme les moyens doivent figurer dans la discussion, seules les prétentions doivent apparaître au dispositif des conclusions. La Cour ne peut donc solliciter des observations des parties si la prétention est absente du dispositif des écritures. En effet, elle est tenue par ce seul dispositif. En conséquence, le principe du contradictoire ne peut être violé.

L’appel est une procédure plus contraignante que la première instance. Les erreurs qui pouvaient être corrigées devant le tribunal de première instance deviennent souvent irrattrapables en appel. Ainsi, le législateur exige une rédaction extrêmement rigoureuse des écritures, avec un respect strict des délais et des exigences formelles. 

La sécurité juridique prime dans cette décision. Certes, cela peut être considéré comme un formalisme excessif par les professionnels, mais ce formalisme est le garant d’une justice équitable.

Mélanie LACOUR - Élève-avocat à l’EDASE - Droit civil

 

Retour au blog

Laisser un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés.