Le port de signes religieux dans le cadre du sport en France

Le port de signes religieux dans le cadre du sport en France

Le 18 février 2025, le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport. Cependant, celle-ci doit encore être débattue devant l’Assemblée nationale. Bien que cette loi soit encore en discussion, elle suscite quelques interrogations, notamment au regard de l’état du droit actuel concernant le port de signes religieux dans le cadre du sport.

I) La liberté religieuse et le principe de laïcité

D’une part, concernant, la liberté religieuse, elle est une des libertés fondamentales garantie au niveau national, notamment par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, mais également au niveau européen, à l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

La liberté de conscience, de pensée et de religion implique le droit d’avoir une religion, d’en changer, mais aussi de manifester sa religion, individuellement ou collectivement, en public ou en privé. La manifestation de sa religion passe notamment par le fait de pouvoir porter des signes religieux.

Cependant, comme toutes les libertés fondamentales, des restrictions sont possibles, dans un but de protection de l’ordre public, de santé publique ou encore la protection des droits et libertés d’autrui. Les restrictions doivent être prévues par la loi et doivent être proportionnées au but recherché.

D’autre part, concernant la laïcité, celle-ci est inscrite au sein de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. La laïcité implique à la fois une abstention de l’Etat dans l’intervention des convictions de chacun, et également l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion. De plus, il est à noter que l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 affirme que « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées […] dans l'intérêt de l'ordre public. ».

II) Le port de signes religieux dans le cadre du sport selon notre droit actuel

En l’état actuel du droit, il n’existe pas de législation interdisant le port de signes religieux dans le cadre du sport. De ce fait, les fédérations sportives peuvent autoriser ou non le port de tels signes dans le cadre de leurs activités sportives. En d’autres termes, l’interdiction du port de signes religieux est laissée à l’appréciation des fédérations sportives, qui disposent en cette matière d’un pouvoir réglementaire.

Certaines fédérations sportives françaises interdisent le port de signes religieux lors des compétitions, par exemple la fédération française de football, de volley-ball, de basket-ball ou encore de rugby. 

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur l’interdiction du port de signes religieux par la fédération française de football (FFF). Il s’agit de l’arrêt du 29 juin 2023, autrement connu sous le nom des « hijabeuses ». Dans cet arrêt, des associations et des sportives contestaient l’interdiction par la FFF du port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, politique ou philosophique, lors des matchs. Le Conseil d’Etat a soutenu que l’interdiction en l’espèce, qui était limitée aux temps et aux lieux de déroulement des matchs, apparaissait nécessaire afin d’assurer le bon déroulement des matchs, car cette interdiction prévenait notamment tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport. Cette interdiction était donc, selon le juge, adaptée et proportionnée.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat s’est fondé sur le principe de neutralité des services publics, qui s’explique par le fait que les fédérations sportives sont en charge d’une mission de service public. Pour rappel, la neutralité du service public s’applique en principe aux agents de ce service, mais pas aux usagers. Ainsi, la neutralité du service public s’applique aux agents de la FFF et aux personnes dont elle à la direction, par exemple les joueurs de sa fédération. En revanche, les usagers du service public de l’organisation des compétitions ne sont pas soumis au principe de neutralité et peuvent de ce fait manifester leur appartenance à une religion, tant que cela ne nuit pas au bon fonctionnement du service, ni aux droits et libertés d’autrui. Par exemple, les spectateurs d’un match organisé par la FFF peuvent manifester leur appartenance à une religion en portant un signe religieux.

Il est à noter qu’à la suite du rejet de la requête par le Conseil d’Etat, la Cour européenne des droits de l’Homme a été saisie. En mars 2024 le recours a été jugé recevable et la Cour européenne devrait se prononcer sur la question d’ici la fin de l’année 2025.

III) La proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport

La proposition de loi adoptée en première lecture en février 2025, prévoit l’interdiction du port de signes ou de tenues, manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse, au cours des compétitions organisées par les fédérations sportives ayant une délégation de service public, ainsi que leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées.

A titre informatif, cette loi prévoit également la prohibition de tout détournement de l’usage d’un équipement sportif, mis à disposition par une collectivité territoriale en vue de la pratique sportive (par exemple l’utilisation d’un vestiaire comme salle de prière) et impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines.

La loi prévoit que l’interdiction du port de signes religieux serait applicable aux sportifs lors des compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations délégataires de service public, c’est-à-dire en charge d’une mission de service public, mais également leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles ainsi que leurs associations affiliées. Cette interdiction s’appliquera aussi aux sportifs sélectionnés en équipe de France.

Cette loi suscite de vives inquiétudes auprès du Comité des droits de l’Homme de l’ONU, qui soutient que cette dernière risque de créer des discriminations indirectes. Une discrimination est dite indirecte dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique a priori neutre, peut produire un effet défavorable à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, par rapport à d’autres personnes. Ainsi, selon l’ONU l’interdiction du port de tels signes conduit « à un ciblage disproportionné des femmes musulmanes (…) ».

Il est important de noter que la Fédération internationale de football association (FIFA), autorise expressément le port du voile ou du turban depuis 2014. Ainsi, la joueuse marocaine Nouhaila Benzina est devenue, en 2023, la première joueuse voilée à disputer un match de coupe du monde féminine.  En revanche, l’article 50 de la Charte Olympique affirme que, la démonstration ou la propagande politique, religieuse ou raciale est interdite dans les emplacements olympiques.

Ainsi, actuellement les fédérations sportives délégataires d’un service public, peuvent interdire dans leur règlement, le port de signes religieux lors d’événements sportifs, en se fondant sur la bonne organisation et le bon déroulement du service public dont elles ont la charge. Cependant, si la loi vient à être adoptée à l’issue des débats parlementaires, les fédérations n’auront plus le choix d’autoriser ou d’interdire le port de tels signes religieux, car l’interdiction sera générale. La France deviendrait le premier pays à disposer d’une telle loi.

Écrit par Amandine Pélissier, titulaire d’un Master 2 Justice, procès et procédures

 

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