CSE et prévention des risques psychosociaux : CE chambres réunies, 15 octobre 2024, n° 488496 (commentaire)

CSE et prévention des risques psychosociaux : CE chambres réunies, 15 octobre 2024, n° 488496 (commentaire)

Conseil d'État, chambres réunies, 15 octobre 2024, n° 488496, Inédit au recueil Lebon

Lorsqu’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) est mis en œuvre dans une entreprise, l’employeur est tenu d’évaluer et prévenir les risques psychosociaux (RPS) pouvant en découler. Autrement dit, les conséquences de la réorganisation sur les salariés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. 

Cette obligation découle de l’obligation générale de sécurité de l’employeur (C. trav., art. L.4121-1) selon laquelle l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Dans le cadre de l’élaboration d’un PSE, ces informations en matière de RPS font l’objet d’une information du CSE (C. trav., art. L.1233-31).

Dans une décision du 15 octobre 2024, le Conseil d’Etat en chambres réunies est venu apporter une précision inédite sur la procédure de consultation du CSE sur le volet des RPS. Une précision importante qui vient compléter la jurisprudence du Conseil d’Etat sur la prise en compte des RPS dans l’élaboration du PSE (cf. infra).

A titre liminaire, il convient de nous intéresser à  ces deux notions que sont le PSE et les RPS.

I) Qu’est-ce qu’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ?

Dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, l’entreprise doit parfois mettre en place un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

La mise en place d’un PSE est obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés envisageant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés sur une période de 30 jours (C. trav., art. L.1233-61).

Il vise à limiter au maximum les licenciements économiques ainsi que leur impact sur les salariés licenciés.

II) Quels sont les risques psychosociaux (RPS) ?

Les risques psychosociaux sont définis comme un risque pour la santé physique et mentale des travailleurs. Leurs causes sont à rechercher à la fois dans les conditions d’emploi, les facteurs liés à l’organisation du travail et aux relations de travail.

Exemple : burn-out professionnel, turn-over, méthodes de management, qualité de vie au travail sont des éléments qui peuvent être des conséquences ou être déclencheurs des RPS.

Dans le cadre d’un PSE, évaluer et prévenir ces RPS est ainsi primordial afin d’assurer la sécurité physique et mentale des travailleurs qui sont menacés d’un licenciement pour motif économique.

Bon à savoir : une alerte RPS est un signalement effectué par un salarié, un représentant du personnel ou un membre du CSE lorsqu’il constate une situation de travail susceptible de porter atteinte à la santé mentale ou physique des travailleurs (stress, harcèlement, surcharge, etc.). Elle vise à déclencher une enquête RPS et des mesures de prévention.

C'est donc pour limiter un maximum ces RPS que le dialogue social est essentiel. L'employeur sera ainsi en mesure d'évaluer les indicateurs du mal être au travail de ses salariés, et donc mettre en place des mesures correctrices.

Exemple d' actions d’amélioration des conditions de travail, il y a le travail hybride.

comme la mise en place du travail hybride par exemple.

III) La décision du Conseil d’Etat du 15 octobre 2024

A) Le contexte

Dans cette affaire, était en cause le PSE de l’entreprise Aciam, maison mère de l’enseigne Camiaeu, qui avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire en 2022. Dans ce contexte, un PSE prévoyant plus de 2.000 licenciements avait été mis en œuvre unilatéralement, puis homologué par la DREETS. i.

Les mesures contenues dans ledit PSE ont été dénoncées par le syndicat CGT qui revendiquait leur insuffisance, en invoquant notamment l’évaluation des RPS. Le syndicat a ainsi contesté l’homologation du document unilatéral mettant en place le PSE, en demandant aux juridictions administratives l’annulation de la décision d’homologation.

Jugeant le PSE conforme aux exigences légales, les demandes du syndicat ont été rejetées par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel.

L’affaire a été portée devant le Conseil d’Etat par le syndicat qui considérait que la cour d’appel aurait dû vérifier qu’un avis spécifique avait été adopté par le CSE après un vote dédié spécifiquement à la prévention des RPS.

La question posée au Conseil d’Etat était celle de savoir si la prévention des risques psychosociaux dans le cadre d’un PSE devait faire l’objet d’un avis spécifique du CSE, après un vote dédié à cette question ?

B) Une précision inédite apportée par le Conseil d’Etat 

Si le Conseil d’Etat a pu confirmer à plusieurs reprises la prise en compte des RPS lors de l’élaboration d’un PSE (CE, 21 mars 2023, n°460660 ; CE, 19 décembre 2023, n°464864 ; CE, 29 décembre 2023, n°463794), il est venu préciser pour la première fois dans une décision du 15 octobre 2024 que l’information et la consultation du CSE sur les RPS dans le cadre d’un projet de licenciement collectif ne donnent pas obligatoirement lieu à “l’adoption d’un avis spécifique précédé formellement d’un vote”. Une telle procédure ne relevant “d’aucune disposition législative ou réglementaire, ni d’aucun principe”.

Cette solution découle de l’article L.1233-30 du Code du travail qui ne prévoit que deux avis du CSE sur : 

  • 1°  l’opération projetée et ses modalités d’applications,
  • le projet de licenciement collectif (dit livre I) : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail.

A noter que ce second avis (2°) n’est pas soumis à la consultation du CSE lorsqu’il a été mis en œuvre par un accord collectif.

L’employeur n’est donc pas tenu d’organiser un vote spécifique du CSE sur la question des RPS. Le contrôle RPS dans l’élaboration du PSE s’effectue ainsi dans le cadre d’un contrôle global portant sur le projet de licenciement collectif.

 

Par Michèle Taccard, Master 2 Droit social Université Paris Nanterre

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