
Réforme de la garde à vue 2024 : la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 (commentaire)
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La loi n°2024 du 22 avril 2024 n°2024-364 dite loi DDADUE, est venue apporter des modifications importantes en procédure pénale, mais également en droit financier et en droit social. Nous vous invitons à regarder l’apport de cette loi dans ces matières susvisées si cela vous intéresse, car seul le volet procédure pénale sera ici traité.
Plusieurs points importants méritent d’être abordés afin de faciliter la compréhension de cette nouvelle loi.
I) Quels sont les apports de la loi portant réforme de la garde à vue
Le régime juridique de la garde à vue a fait l’objet de changements, avec des dispositions nouvelles entrant en vigueur au 1er Juillet 2024. Ces différents changements permettent à la procédure pénale française d’être en conformité avec le droit de l’Union Européenne, notamment en ce qui concerne la présence de l’avocat dans la procédure pénale (cf : Directive 2013/48/UE du parlement Européen et du Conseil du 22.10.2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires).
Pour rappel, la garde à vue est une mesure privative de liberté, prise dans le cadre d’une enquête judiciaire à l’encontre d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction. Le régime de la garde à vue est prévu aux articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale.
Cette partie de la réforme se découpe en trois points.
A) L’élargissement du cercle des personnes pouvant être prévenues par le gardé à vue
Antérieurement à la réforme, selon les dispositions de l’article 63-2 du Code de procédure pénale, la personne gardée à vue pouvait «faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe ou l'un de ses frères et sœurs de la mesure dont elle est l'objet. Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.»
La réforme du 24 avril 2024 est venue modifier l’article précité, en y ajoutant la possibilité de faire prévenir « tout autre personne qu’elle désigne de la mesure dont elle fait l’objet ».
La liste des personnes à prévenir n’est donc désormais plus limitative.
À titre d’exemple, le gardé à vue peut prévenir autant son meilleur ami que son beau-frère par exemple s’il le souhaite.
Il est à préciser que seule les affaires ordinaires sont concernées par ce point de la réforme, celle-ci épargne en effet les enquêtes les plus graves comme la grande criminalité ou les actes de terrorisme. L’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit en effet que le procureur de la République peut, à la demande de l'officier de police judiciaire, décider que l'avis à la personne, par la personne gardée à vue sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne.
B) La fin de la tenue de l’audition sans l’avocat
L’article 63-3-1 du Code de procédure pénale est également modifié en ce qu’il supprime le délai de carence. Le délai de carence se définissait par le fait que la première audition du gardé à vue pouvait avoir lieu sans l’avocat, si celui-ci ne s’était pas présenté dans un délai de deux heures. Ce délai est alors supprimé. De plus, l’article susvisé permet au gardé à vue de demander un avocat à tout moment au cours de la garde à vue.
Il ne sera donc plus possible d’auditionner le gardé à vue sans la présence de son avocat, sauf si celui-ci a renoncé à ce droit et sauf exception prévue par l’article 63-4-2-1 du Code de procédure pénale, qui crée trois conditions permettant au Procureur de la République de faire commencer les auditions de la personne gardée à vue sans attendre l’arrivée de son avocat.
Cette autorisation peut en effet être délivrée afin d’éviter une situation susceptible de compromettre de manière importante une procédure pénale, prévenir d’une atteinte grave à la vie, la liberté ou l’intégrité physique d’une personne. Le procureur de la République peut également, selon les mêmes modalités, prendre une telle décision lorsqu’il est impossible, en raison de l’éloignement géographique du lieu où se déroule la garde à vue, d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté.
Cependant, si l’avocat arrive en cours d’audition, celle-ci pourra être interrompue, à la demande du gardé à vue, afin qu’il puisse s’entretenir avec son avocat.
Si l’avocat désigné ne peut être présent dans le délai de deux heures, l’officier de police judiciaire devra saisir le bâtonnier qui désignera un avocat commis d’office afin de garantir le droit du gardé à vue.
C) Extension des documents pouvant être consultés par l’avocat
Antérieurement à la réforme, l’article 63-4-1 du Code de procédure pénale prévoyait que l’avocat pouvait avoir accès à certains documents. Il pouvait en effet consulter le procès-verbal de placement en garde à vue, le certificat médical si celui-ci a été établi, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste.
Cet article est modifié et comprend actuellement en plus des documents cités, les auditions et confrontations ayant eu lieu sur le fondement de l’article 63-4-2 et l’article 63-4-2-1, qui peuvent également être consultés par l’avocat présent en garde à vue.
Ce point sur la réforme portant sur l’élargissement du cercle des personnes pouvant être prévenues par le gardé à vue n’a pas fait l’unanimité parmi les forces de police et de gendarmerie. Interrogé par le journal Figaro, l’ancien directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard indique quant à celle-ci que “ jamais personne ne pense aux flics “.
Concernant la place de l’avocat en garde à vue, Frédéric Péchenard estime que l’obligation de la présence de l’avocat en garde à vue, retardant les auditions qui sont déjà très courtes (entre 24h et 48h pour des délits mineurs), peut avoir un impact sur les actes d’investigation. En effet, moins de temps les forces de l’ordre ont pour interroger le suspect, plus les preuves des délits ou du crime seront compliquées à trouver et à faire avouer.
Sont alors en contrebalance les droits de la défense qui sont entièrement respectés, avec la tenue de l’audition sans l’avocat, en parallèle, l’enquête peut être bafouée, ce qui porterait atteinte aux droits des victimes et porterait atteinte aux actes d’enquêtes.
Concernant l’élargissement du cercle des personnes pouvant être prévenues par le gardé à vue, Frédéric Péchenard estime que ce point de la réforme met également en danger les actes d’investigations. En effet, le gardé à vue pouvant prévenir n’importe qui, il peut s’agir de son chef de réseaux dans le cadre d’un trafic de drogue ou encore de son complice qui peut être chargé de détruire ou cacher les preuves.
Nous vous invitons à regarder l’interview au complet afin d’avoir plus de précisions.
II) Quels sont les apports de la loi rendant conforme la procédure pénale française aux directives Européennes ?
Deux modifications sont ici concernant l’entraide européenne, prévue par les directives Européennes.
A) Remaniement des dispositions concernant le mandat d’arrêt Européen
Pour rappel, le mandat d’arrêt Européen est une procédure judiciaire transfrontière simplifiée de remise aux fins de l'exercice de poursuites pénales ou de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté. Le mandat d’arrêt Européen relève alors d’une entraide judiciaire internationale, et est prévu en droit français, dans le Code de procédure pénale, aux articles 694 à 696-107. Sur ce point, l’article 695-43 a connu une modification significative.
En effet, il ne permet plus qu'une dérogation au délai de 60 jours, imposé pour prendre une décision définitive sur l'exécution du mandat d'arrêt européen qu'en cas de circonstances exceptionnelles, notamment en cas de pourvoi en cassation ou en cas d’arrêt de cassation avec renvoi. Antérieurement à la réforme, l’article 695-43 ne pouvait être utilisé qu’à titre exceptionnel, sans condition du pourvoi en cassation ou de l’arrêt de cassation avec renvoi.
B) Remaniement des dispositions concernant les procédures de remise entre états
La procédure de remise entre états d’une personne recherchée est une procédure qui autorise un pays à remettre une personne à un autre pays en vue de mener des poursuites pénales ou de purger une peine de prison ou une période de détention.Cette procédure est prévue à l’article 695-45 du Code de procédure pénale. Antérieurement à la réforme, la personne recherchée devait donner son consentement à être transférée vers l'État demandeur. Cette condition du consentement est supprimée dans la nouvelle version de l’article 695-45 du Code de procédure pénale.
Lisa GERARD // Élève-avocate titulaire d'un master 2 en droit pénal et sciences criminelles