La spécialité droit pénal au CRFPA: un choix vraiment si facile?

La spécialité droit pénal au CRFPA: un choix vraiment si facile?

"Au CRFPA, je vais choisir la spécialité droit pénal, c'est la plus facile."

Le fameux mythe de la spécialité plus facile que les autres, qui n’en a jamais entendu parler ?

C'est un refrain qu’on a souvent entendu pendant les mois de préparation à l'examen d'entrée à l'école d'avocats.

Cette idée, partagée entre étudiants comme un secret bien gardé, mérite qu'on s'y attarde un moment.

Pénaliste de formation ayant passé le CRFPA dans cette spécialité, j'ai observé de nombreux camarades faire le choix de celle-ci sans réelle affinité pour la matière. Malheureusement, j'ai souvent constaté que cette approche ne produisait pas vraiment les résultats escomptés.

Pourquoi choisir la spécialité droit pénal sans bagage préalable dans ce domaine pourrait ne pas être la meilleure stratégie pour votre réussite au CRFPA ?

I) Le droit pénal présente-t-il réellement moins de difficultés que les autres matières ?

A) Une discipline juridique avec son propre langage

Le droit pénal possède une identité propre qui le distingue nettement des autres branches du droit. Tout comme le droit civil ou le droit administratif, il fonctionne selon ses propres règles et requiert une période d'adaptation pour s'y familiariser véritablement.

Cette spécificité se reflète notamment dans la méthodologie particulière qu'exige le traitement des sujets de consultations. Aborder un cas pratique en droit pénal demande une démarche intellectuelle différente de celle utilisée dans les autres matières juridiques.

Les copies de droit pénal s'organisent selon une architecture bien spécifique :

  • Chaque infraction potentielle doit être traitée successivement

  • Pour chacune d'elles, vous devez systématiquement décomposer les éléments constitutifs (légal, matériel, moral)

  • Vous devez ensuite aborder les problématiques transversales de droit pénal général (complicité, tentative, concours d'infractions...)

Cette approche génère naturellement des copies très volumineuses et complexes à structurer en raison des nombreux éléments à classer. Ces réflexes méthodologiques s'acquièrent progressivement avec la pratique et sont particulièrement durs à maîtriser sans une immersion préalable dans la matière.

La procédure pénale suit la même logique. Ses mécanismes, distincts des autres procédures, nécessitent également un temps d'adaptation pour en saisir les nuances.

B) Une part d'incertitude plus prononcée

L'épreuve de droit pénal comporte une dimension aléatoire qu'il serait imprudent de sous-estimer. Lors de celle-ci, vous devez analyser les faits pour identifier les infractions pertinentes à discuter.

Cette sélection comporte une part d'appréciation subjective qui peut varier considérablement selon les barèmes, ajoutant ainsi une variable difficile à anticiper.

Par exemple : lors du sujet 2024, le cas étudié concernait une activiste ayant détruit l'œuvre d'un photographe en y jetant de la peinture, suite à quoi l'artiste s'est suicidé. De nombreux candidats ont choisi d'examiner l'incitation au suicide (pour finalement l'écarter). Le jury, cependant, attendait plutôt une analyse de l'homicide involontaire (pour également l'exclure), orientation qui pouvait sembler surprenante et peu évidente. Cette différence d'appréciation a eu un impact significatif sur les notes, le traitement d'une infraction involontaire étant généralement plus valorisé dans le barème en raison de sa complexité.

Cette part d'incertitude soulève une vraie question d'équité : deux copies de qualité juridique comparable peuvent recevoir des notes très différentes selon que le candidat aura tiré ou non les infractions attendues par les concepteurs du sujet, alors même que ce choix relève parfois davantage du pur hasard que de la technique juridique.

II) Le Code de procédure pénale : la raison ultime de fuir le droit pénal ?

A) Un outil de travail particulièrement complexe

Choisir la spécialité droit pénal implique nécessairement de se confronter au Code de procédure pénale, outil dont la complexité peut dérouter même les avocats pénalistes les plus chevronnés.

Celui-ci n'a connu aucune refonte majeure malgré de nombreux projets de réforme, aboutissant à une architecture parfois déroutante. Sa structure, fruit de modifications législatives incessantes, manque de la cohérence qu'on pourrait attendre d'un outil juridique moderne.

Sa désorganisation atteint parfois des sommets, comme en témoigne l'existence d'une section intitulée "dispositions générales" qui rassemble des articles n'ayant pas trouvé leur place dans une classification plus précise.

Ce point n'est pas anodin dans la perspective du CRFPA, où la maîtrise de votre code constitue un facteur déterminant de réussite, particulièrement lors d'une épreuve de procédure limitée à exécuter en deux heures.

B) La procédure civile : une alternative à considérer sérieusement

À la lumière de ces observations, il serait judicieux de ne pas écarter trop hâtivement la procédure civile qui présente l'avantage non négligeable d'être encadrée par un code plus récent, mieux structuré et généralement plus accessible.

Le Code de procédure civile bénéficie d'une organisation plus intuitive et d'une rédaction plus claire, facilitant considérablement votre navigation et votre recherche d'information pendant l'épreuve.

Pour un candidat n'ayant pas développé d'expertise particulière en droit pénal, l'apparente simplicité de cette matière pourrait se transformer en handicap face aux difficultés inhérentes à l'utilisation de son code de procédure.

III) Comment identifier la spécialité qui correspond vraiment à votre profil ?

A) Valoriser votre parcours et vos acquis

Dans votre recherche de la spécialité idéale pour le CRFPA, il convient d’adopter une méthode simple mais efficace : privilégiez la discipline avec laquelle vous avez déjà le plus de familiarité.

En choisissant une matière que vous connaissez déjà, vous vous épargnez un temps d'adaptation considérable. Cette économie est particulièrement précieuse dans le contexte de la préparation au CRFPA, souvent caractérisée par des délais serrés (surtout si vous envisagez une préparation estivale) et une charge de travail importante.

Votre temps et votre énergie sont limités, les investir dans une spécialité sélectionnée sur la base de simples on-dit pourrait s'avérer être une erreur coûteuse.

B) Comprendre que votre investissement reste la clé de la réussite

Il est important de réaliser qu'au CRFPA, il n'existe pas de formule magique universelle, comme beaucoup voudraient nous le vendre, mais des choix adaptés à votre profil personnel et à votre parcours.

Je précise que j’ai moi-même choisi la spécialité droit pénal et que c’est une option très pertinente lorsque l’on a déjà des bases avec la matière.

Ce qu'il faut retenir avant tout, c'est que tant pendant la préparation que lors de l'examen, c'est votre investissement et votre maîtrise qui feront la différence, bien plus que le choix d'une spécialité réputée plus accessible.

Évitez de vous perdre dans des calculs d’apothicaire qui risquent de vous détourner de l'essentiel : votre réussite dépendra principalement de votre travail et de votre préparation, quelle que soit la matière choisie.

Pour conclure

L'idée que la spécialité pénale serait "plus facile" ne repose sur aucune donnée objective. Au contraire, les particularités méthodologiques du droit pénal, la dimension subjective de son évaluation et la complexité de son Code de procédure représentent des défis significatifs pour quiconque n'est pas familier avec cette matière.

Il est important de faire preuve de discernement face aux rumeurs qui circulent et de choisir la spécialité qui correspond le mieux à votre formation antérieure et à vos centres d'intérêt juridiques.

La préparation au CRFPA demande concentration et persévérance. En optant pour une spécialité qui vous est familière, vous maximisez vos chances de succès en vous appuyant sur des fondations déjà existantes plutôt qu'en tentant de construire un nouvel édifice de connaissances dans un temps limité.

Faites confiance à votre parcours et à votre jugement plutôt qu'à des stratégies hasardeuses. La réussite au CRFPA n'est pas une question de "voie facile", mais d'engagement sérieux et de préparation méthodique dans un domaine où vous pouvez exploiter au mieux vos compétences.

Antoine Paul - élève-avocat 

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