La responsabilité des parents du fait de leur enfant  : L’arrêt du 28 juin 2024 n° 22-84.760 (commentaire)

La responsabilité des parents du fait de leur enfant : L’arrêt du 28 juin 2024 n° 22-84.760 (commentaire)

I) Rappel général sur l’article 1242 alinéa 4 du Code civil

Larticle 1242 alinéa 4 du Code civil traite de la responsabilité civile des parents du fait de leur enfant mineur. Selon cette disposition :

« Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »

Ainsi, lorsqu’un mineur cause un dommage à une autre personne, la victime de ce dommage peut engager la responsabilité parentale du mineur sur le fondement de l’article précité.

Il est important de noter que depuis l’arrêt Fullenwarth du 9 mai 1984, la responsabilité des parents du dommages causés par l'enfant peut être engagée alors même que l’enfant n’a pas commis de faute. Il suffit en effet que celui-ci ait commis un acte constituant la cause directe du dommage invoqué par la victime

Par ailleurs, depuis l’arrêt Bertrand du 29 février 1997, les parents ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité en prouvant leur absence de faute dans la surveillance ou l’éducation de l’enfant. Seule la force majeure ou la faute de la victime peuvent exonérer les parents de leur responsabilité du fait de leur enfant.  Il s’agit donc de la responsabilité de plein droit des parents.

En outre, un dernier point de vigilance doit être précisé : même si en réalité les parents sont généralement plus solvables que leur enfant, ce qui pourrait justifier de ne pas s’intéresser à la responsabilité personnelle de l’enfant, il faut, en cas pratique, envisager tous les cas de responsabilité possible.

Ainsi, lorsque vous êtes face à un cas pratique qui concerne un fait dommageable commis par un enfant mineur, il ne faut pas tomber dans le piège de développer uniquement la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur. En effet, il faut également systématiquement penser à vérifier si les conditions de larticle 1240 du Code civil sont réunies pour pouvoir éventuellement engager la responsabilité personnelle du mineur, en plus de celle des parents. De même, si le dommage a été causé par une chose, il conviendra d’examiner la responsabilité du fait des choses de l’article 1242 alinéa 1 du Code civil. 

II) La solution nouvelle consacrée par l’arrêt du 28 juin 2024

 À la lecture de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil, deux conditions cumulatives doivent être rapportées pour pouvoir engager la responsabilité des parents :

1. Le parent doit exercer l’autorité parentale sur le mineur

2. L’enfant mineur doit habiter avec le parent.

C’est sur l’interprétation de cette seconde condition que porte l’arrêt du 28 juin 2024. En effet, la question de droit posée à la Cour de cassation est la suivante : lorsque des parents séparés exercent conjointement l’autorité parentale, celui chez qui la résidence habituelle de l’enfant a été fixée est-il le seul responsable des dommages causés par lui ?

Autrement dit, la condition de cohabitation prévue par l’article 1242 alinéa 4 du Code civil implique-t-elle que le parent qui ne dispose que d’un droit de visite et d’hébergement à l’égard de l’enfant ne puisse, en aucun cas, voir sa responsabilité civile engagée sur le fondement de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil, au seul motif que la résidence habituelle de son enfant a été fixé chez l’autre parent ?

La Cour de cassation a répondu par la négative et a consacré le principe suivant : lorsque les parents séparés exercent conjointement l’autorité parentale, ils sont tous les deux tenus responsables des actes dommageables de leur enfant. Et ce, peu importe que la résidence de l’enfant ait été fixée chez l’un ou l’autre.

Ainsi, la Cour de cassation considère que la condition de cohabitation est satisfaite dès lors que le parent exerce l’autorité parentale. Désormais, selon cette nouvelle interprétation, les conditions de cohabitation et d’exercice conjoint de l’autorité parentale se confondent donc.

Auparavant, lorsque les parents étaient séparés, seule la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle avait été fixée pouvait voir sa responsabilité civile engagée (Civ 2e, 2 décembre 2014).

 III) L’opportunité de ce revirement de jurisprudence

Cette évolution a été saluée sous plusieurs aspects.

En premier lieu, elle permet de responsabiliser les deux parents à égalité, qu’ils cohabitent ou non avec l’enfant.

En second lieu, ce revirement met fin aux situations parfois injustes engendrées par l’ancienne jurisprudence, dans lesquelles un parent pouvait être tenu responsable alors même que le dommage s’était produit pendant que l’autre parent exerçait son droit de visite et d’hébergement (Crim. 6 nov. 2012, n° 11-86.857 pour un exemple).

Enfin, cette solution favorise la logique indemnitaire : en permettant aux victimes de poursuivre solidairement les deux parents, cela augmente leurs chances d’obtenir une réparation intégrale de leur préjudice, dans la mesure où ils peuvent désormais s’appuyer sur deux débiteurs potentiels. 

 

GROLLEAU Maud

Elève-avocat titulaire d'un master 1 en droit maritime

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