
La validité d’un testament international rédigé dans une langue incomprise par le testateur : Assemblée Plénière, 17 janvier 2025, n° 23-18.823 (commentaire)
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Une femme, de nationalité italienne, est décédée le 28 février 2015. Cette dernière, laissant lui succéder ses quatre enfants ainsi que son petit-fils venant en représentation de sa mère prédécédée, a fait rédiger son testament en langue française en ayant recours à un interprète le 17 avril 2002.
Cependant, il est apparu que le testament avantageait certains de ses enfants. De ce fait, son petit-fils, se sentant lésé et affirmant que l’acte ne représentait pas la volonté de sa grand-mère, demande l’annulation du testament.
I) L’importance fondamentale d’un testament
Avant tout, qu’est-ce qu’un testament ? Le testament est un écrit par lequel une personne, appelée le testateur, exprime ses dernières volontés à un ou plusieurs bénéficiaires. C’est cet acte qui lui permet d’organiser sa succession. En effet, c’est le droit des successions qui détermine et encadre les conséquences de la mort sur le patrimoine du défunt.
Même si une exigence est commune à tous les testaments, à savoir qu’il doit s’agir d’un acte écrit, il existe différents types de testaments :
- Le testament olographe, qui est un testament écrit, daté et signé par le testateur.
- Le testament authentique, qui est un testament reçu sous la forme authentique par deux notaires ou un notaire assisté de deux témoins.
- Le testament mystique, qui est un testament signé par le testateur et remis cacheté au notaire devant un témoin.
- Le testament international qui a été créé par la convention internationale de Washington du 26 octobre 1973. Ce testament doit être signé par le testateur, écrit, et rédigé en présence de deux témoins, d’un notaire ou d’un agent diplomatique ou consulaire.
Étant donné que l’objectif du testament est d’attribuer des biens ou une part de patrimoine à des personnes désignées par le testateur, de nombreux contentieux sont nés concernant la validité de l’acte en vue de son importance.
En l’espèce, le petit-fils de la défunte, estimant que le testament ne représentait pas la volonté de sa grand-mère, souhaite donc voir annuler l’acte.
II) Le débat autour de la validité d’un testament international rédigé en une langue incomprise par le testateur
Finalement, la question posée à la juridiction est la suivante : la validité d’un testament international nécessite-t-elle qu’il soit rédigé dans une langue comprise par le testateur, ou l’assistance d’un interprète suffit-elle ?
Le 16 juin 2020, la Cour d’appel de Grenoble a estimé que ce testament était valide en tant que testament international car il respectait toutes les conditions requises à ce type d’acte. Le demandeur s’est donc pourvu en cassation. Le 2 mars 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel en estimant que même s’il s’agissait d’un testament international, ce dernier devait être rédigé dans une langue comprise par le testateur. Dans un arrêt du 21 mars 2023, la Cour d’appel de Lyon, quant à elle, a retenu la validité du testament international en affirmant que le recours à un interprète a permis de pallier les difficultés de compréhension de la défunte.
Cette contradiction entre les juridictions a amené la Cour de cassation à se prononcer en assemblée plénière.
Le demandeur au pourvoi a assigné les autres héritiers en nullité du testament. En se fondant sur les articles 3§3 et 4§1 de la loi uniforme sur la forme d’un testament international annexée à la convention de Washington du 26 octobre 1973 ainsi que l’article V.1 de ladite Convention, il affirme qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de la volonté de son auteur. En revanche, cet acte ne peut l’être en une langue que le testateur ne comprend pas, malgré l’aide d’un interprète.
III) L’évolution jurisprudentielle en matière de validité d’un testament international
En réponse, dans son arrêt rendu le 17 janvier 2025, la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence en la matière. En se fondant sur les articles précités, elle retient que dorénavant, un testament international est valide même s’il est établi par un notaire et avec l’assistance d’un interprète dans une langue qui n’est pas comprise par le testateur. Cependant, la juridiction suprême pose certaines conditions. En effet, un testament international peut être écrit dans une langue que le testateur ne comprend pas à la condition que la loi dont dépend le notaire chargé d’établir l’acte autorise le recours à un interprète.
Par exemple, en France, le recours à un interprète inscrit sur une liste d'experts judiciaires n’est autorisé que depuis la loi du 16 février 2015. Cette évolution ne concerne que les testaments établis à compter du 18 février 2015.
Comment appliquer cette évolution jurisprudentielle à notre cas d’espèce ? Rappelons-nous qu’en l’espèce, le testament litigieux a été rédigé le 17 avril 2002. Également, l’interprète ayant joué un rôle crucial dans la rédaction de l’acte n’était pas inscrit sur la liste d’experts judiciaires.
De ce fait, le testament litigieux n’est pas valide car le recours à un interprète, à l’époque des faits, n’était pas autorisé et que l’interprète en question n’avait pas la qualité d’expert judiciaire.
En somme, l’arrêt du 17 janvier 2025 est novateur car consacre définitivement la possibilité qu’un testament international soit dorénavant rédigé dans une langue que le testateur ne comprend pas s’il l’est en présence d’un interprète et à la condition que la loi dont dépend le notaire chargé d’établir l’acte autorise le recours à un interprète.
Camille CASANOVA, Titulaire d’un Master II Justice, Procès et Procédures à l’université de Montpellier, Juriste gestionnaire en protection juridique.